Dans un environnement économique où la transformation digitale et les disruptions technologiques redéfinissent chaque jour les règles du marché, la capacité d’innover en interne s’impose comme un levier stratégique majeur. Les grandes entreprises, ainsi que les PME ambitieuses, s’intéressent désormais à la mise en place de programmes d’innovation interne afin d’anticiper les évolutions, optimiser leurs processus et créer de la valeur durablement. Cependant, conduire un tel programme relève d’un véritable défi, nécessitant une orchestration fine entre compétences, ressources, culture d’entreprise et méthodes adaptées.
Les fondements d’un pilotage stratégique en innovation interne
Pour lancer un programme d’innovation interne efficace, la première étape consiste à définir une stratégie claire et alignée avec les objectifs de l’entreprise. Ce pilotage stratégique va bien au-delà de la simple impulsion de projets ; il s’appuie sur une vision globale intégrant les besoins du marché, les orientations technologiques et les capacités organisationnelles. Sans cette cohérence, le risque est élevé de disperser les efforts et de générer des résultats décevants.
Par exemple, le Renault Innovation Lab a mis en place une stratégie focalisée sur la mobilité durable, orientant ses initiatives vers l’électrification des véhicules et la connectivité. Cette clarté a permis de mobiliser efficacement les équipes R&D, marketing et ingénierie autour d’un but précis, favorisant ainsi une synergie des compétences.
Le pilotage stratégique exige également d’identifier les partenariats clés, notamment avec des acteurs externes qui peuvent enrichir le processus d’innovation. La Poste French IoT illustre bien cette approche en collaborant avec des start-ups spécialisées dans l’Internet des objets pour accélérer le développement de solutions adaptées à la logistique intelligente.
Savoir définir des indicateurs de performance pertinents est aussi un aspect fondamental. Ces KPIs ne doivent pas uniquement mesurer le nombre d’idées générées, mais également leur impact réel sur la création de valeur, la satisfaction client, et la transformation des processus internes. BNP Paribas Innovation, par exemple, évalue régulièrement les projets sur la base de critères économiques et d’adoption utilisateurs pour ajuster sa feuille de route.
Ce pilotage stratégique s’enrichit par la mise en place d’un comité innovation transversal, qui rassemble les décideurs des différentes fonctions clés afin de valider les orientations, arbitrer les priorités et garantir une allocation optimale des ressources. La Société Générale Innovation Lab fonctionne ainsi avec un comité incluant des représentants de la stratégie, du digital, de la conformité et des métiers, assurant ainsi l’intégration de multiples perspectives dans chaque décision.
Structurer le processus d’innovation pour maximiser l’efficacité
Au-delà de la stratégie, la réussite du programme d’innovation repose sur l’instauration d’un processus bien pensé et structuré. Celui-ci transforme les idées en concepts exploitables puis en projets concrets, tout en impliquant les collaborateurs à chaque étape. Ce workflow global permet d’éviter l’éparpillement et de faciliter la gestion des initiatives.
Le modèle dit des « 7 étapes du processus d’innovation » est une référence largement adoptée. Il débute par la détection des opportunités et des besoins internes ou externes, suivie par la génération d’idées, leur sélection rigoureuse, le développement des prototypes, les tests, le lancement et enfin le déploiement généralisé. Ce cadre aide à organiser les efforts et à fixer des jalons qui facilitent le pilotage et la communication.
Le Orange Fab, programme d’accélération interne d’Orange, capitalise sur cette approche en intégrant également une phase d’évaluation continue grâce à des sessions de revue rapide. Cela permet de corriger la trajectoire dès que nécessaire et de s’adapter aux retours du terrain rapidement.
Un autre élément structurant est la mise en place d’outils collaboratifs adaptés, qui permettent de capter les idées au fil de l’eau, de partager les ressources documentaires et d’assurer la transparence de l’avancement. Des plateformes innovantes comme les environnements numériques interactifs favorisent l’émulation collective et la co-conception. EDF Pulse Croissance exploite par exemple une plateforme numérique qui relayait les initiatives des équipes terrain et facilitait le partage des retours d’expérience en temps réel.
Il est primordial de définir clairement les rôles à chaque étape, en établissant une chaîne de responsabilité précise pour ne pas perdre de temps dans les transferts. La Thales Digital Factory a instauré un système où des « champions innovation » au sein des équipes garantissent le lien entre la génération d’idées, le prototypage et les validations business.
Enfin, le pilotage nécessite un rythme régulier de points d’étape, que ce soit sous forme de réunions hebdomadaires ou de revues trimestrielles, afin de maintenir l’élan, détecter les blocages, et sécuriser l’alignement des différentes parties prenantes.
Impliquer et mobiliser les collaborateurs autour de l’innovation interne
Une innovation réussie est avant tout une aventure collective. La mobilisation des collaborateurs joue un rôle central pour générer des idées novatrices et assurer leur concrétisation. Pourtant, motiver les équipes à s’engager dans un programme d’innovation interne peut s’avérer complexe, surtout dans des structures où l’habitude de travailler en silo reste forte.
Pour créer un véritable engouement, il convient de bâtir une culture de l’innovation qui valorise la prise d’initiative, la tolérance à l’erreur et la collaboration interdisciplinaire. Certaines entreprises, comme L’Oréal Open Innovation, encouragent l’expérimentation concrète par des hackathons internes et des challenges d’innovation, où les équipes se confrontent à des problématiques réelles à résoudre en un temps limité.
Il est également essentiel d’assurer la reconnaissance des collaborateurs impliqués. Cela peut passer par des récompenses symboliques ou concrètes, mais surtout par la mise en avant des succès dans la communication interne. Airbus BizLab, par exemple, valorise les innovateurs en leur offrant un accompagnement personnalisé et en leur permettant de présenter leurs solutions devant des comités directs.
Par ailleurs, offrir des formations dédiées pour renforcer les compétences d’innovation et favoriser les échanges inter-services contribue à lever les freins culturels. Orange Fab déploie des ateliers d’initiation à la créativité et au design thinking qui font émerger de nouveaux modes de pensée et nourrissent la curiosité.
Le rôle des managers est aussi primordial. Ils doivent devenir des facilitateurs, capables d’identifier les talents, d’encourager la prise de risque mesurée, et d’intégrer les projets innovants dans les agendas opérationnels sans générer de surcharge.
Enfin, pour maintenir une dynamique durable, il faut rythmer les initiatives avec des moments fédérateurs, qu’il s’agisse de journées dédiées à l’innovation, de sessions de partage des bonnes pratiques ou d’événements fédérateurs. Cela crée un sentiment d’appartenance à une communauté tournée vers l’avenir.
Mesurer la performance et ajuster la trajectoire en continu
Pour piloter efficacement un programme d’innovation interne, il est indispensable d’adopter une démarche d’évaluation continue qui permet non seulement de mesurer les résultats, mais surtout d’ajuster la stratégie, les moyens et les méthodes au fil du temps. Trop souvent, les organisations s’en tiennent à des critères quantité tels que le nombre d’idées déposées, ce qui peut entraîner un effet quantité sans qualité.
Une approche performante consiste à définir des indicateurs multidimensionnels qui couvrent l’ensemble du cycle d’innovation : de la phase de génération d’idées à leur déploiement effectif sur le marché ou au sein de l’entreprise. EDF Pulse Croissance met en œuvre par exemple un tableau de bord combinant le délai moyen de passage d’une idée au prototype, le taux d’adoption interne, ainsi que le retour sur investissement attendus.
L’analyse des feedbacks utilisateurs, qu’il s’agisse de clients internes ou externes, est un autre levier clef permettant d’identifier les freins et d’adapter les solutions. Société Générale Innovation Lab organise régulièrement des sessions de tests utilisateurs afin d’évaluer la pertinence des innovations avant leur déploiement.
Le pilotage doit aussi intégrer des points de revue dédiés pour identifier les projets à abandonner, ceux à renforcer, ou ceux à accélérer. La capacité à prendre ces décisions rapidement est essentielle pour ne pas diluer les ressources sur des initiatives peu porteuses à moyen terme.
L’intelligence artificielle et l’analyse prédictive commencent d’ailleurs à être déployées comme outils d’aide à la décision dans certains programmes, permettant d’estimer la probabilité de succès des projets en fonction de leurs caractéristiques. Vinci Leonard est un des précurseurs dans ce domaine, en intégrant des algorithmes qui croisent données techniques, marché et ressources internes.